Edmond ROSTAND
Cyrano de Bergerac
Avant-propos
ROSTAND EDMOND (1868-1918)
Venant juste après le naturalisme, Edmond Rostand a réussi avec éclat à ressusciter
le drame romantique quon croyait mort à jamais depuis léchec des Burgraves
de Victor Hugo en 1843.
Étudiant en droit, il écrit des vers et, en 1888, publie un vaudeville, Le Gant
rouge , représenté sans succès au théâtre Cluny. Le recueil de poésies, Les
Musardises (1890), marque son entrée définitive dans le monde des lettres. La même
année, il épouse une jeune poétesse, Rosemonde Gérard. Lannée suivante, sa
pièce Les Deux Pierrots est également mal accueillie, alors que Les
Romanesques , comédie en vers parue en 1894, malgré sa mièvrerie et sa
préciosité, séduit néanmoins par sa grâce et son brillant. Cette pièce donne déjà
un aperçu du style fantaisiste et poétique qui va sépanouir dans ses prochaines
uvres. Rostand écrit ensuite, toujours en vers, deux pièces pour Sarah Bernhardt :
La Princesse lointaine (1895) et La Samaritaine (1897). Il remporte
enfin un triomphe au théâtre de la porte Saint-Martin, le 28 décembre 1897, lors de la
représentation de Cyrano de Bergerac , comédie héroïque en cinq actes. Sans
saveugler sur les faiblesses de la pièce, il faut sincliner devant
lhabileté de la construction, limagination et la fantaisie de
lintrigue, le pittoresque des tableaux, la verve dun esprit pétillant,
lambiance faite à la fois de panache et démotion, le lyrisme des tirades.
Cette uvre na pas pris une ride depuis sa création. Le héros, Cyrano,
spadassin au cur tendre et enlaidi par un nez protubérant, devient un mythe du
théâtre et un personnage qui tente les plus grands acteurs. Créé par Coquelin
laîné, il est incarné magistralement en 1960 par Daniel Sorano à la
télévision. En 1900, Rostand publie un second drame néo-romantique, LAiglon ,
qui transforme la vie du duc de Reichstadt en épopée sentimentale.
Linterprétation de Sarah Bernhardt contribue au succès de la pièce, que le public
applaudit à tout rompre. Edmond Rostand avait-il réussi par ces deux coups de maître à
moderniser le drame en vers ; Ses contemporains le crurent qui lui offrirent les plus
grands honneurs, dont lélection à lAcadémie française en 1901. Cest
alors, pourtant, que Rostand décide de se retirer, pour raison de santé, à Cambo, dans
le Pays basque. Il entreprend un vaste projet qui loccupe plusieurs années : en
1910, paraît Chantecler , sorte de féerie symbolique mettant en scène des
animaux. Rostand, en voulant trop en dire, est tombé dans le didactisme. Aussi sa fable
fut-elle totalement incomprise. À titre posthume furent publiés un recueil de poésies
inspirées par la Première Guerre mondiale, Le Vol de «la Marseillaise» (1919)
et La Dernière Nuit de don Juan (1921), un drame inachevé.
Dernier fleuron du romantisme, Edmond Rostand a su plaire au public de son temps en le
touchant dans ce quil a de moins changeant. Pour cette raison, il mérite de ne pas
être confondu avec les auteurs du Boulevard.
Si lindiscret Tallemant des Réaux naccorde, dans ses Historiettes , que
quelques lignes à Savinien Cyrano de Bergerac, encore est-ce pour avancer, sur
la foi dun libraire, que sa tragédie, La Mort dAgrippine , ne dut son succès
quà « de belles impiétés ». Serait-ce donc le destin de Cyrano de ne susciter
que commérages ou contresens ? Ce fut pourtant son lot, jusquaux articles de Nodier
en 1838 et de Théophile Gautier en 1844, avant que lenthousiasme du bibliophile
Jacob (alias Paul Lacroix) ne rendît au jour une uvre que son anticonformisme avait
sans doute dérobée à la gloire. Lorsquen 1897 Edmond Rostand donna son Cyrano de
Bergerac , il crut peut-être par une imposture réparer une injustice. Ce qui eut du
moins lintérêt dattiser lardeur vigilante de Remy de Gourmont ou de
susciter les recherches érudites de Frédéric Lachèvre. Mais, pour le public, le nom de
Cyrano restait celui dun nez, ou dune épée fleurie de vers lyriques, lorsque
tout à coup, à la Noël 1968, lauteur de lHistoire comique des États et
Empires de la Lune eut droit aux honneurs quon aurait pu craindre provisoires
dune « information » où lon sétait passé le mot. Par chance, il
nen fut rien. En posant le pied sur la Lune, le premier astronaute allait raviver
durablement lintérêt jusque-là languissant que lon portait à lun des
plus libres, des plus puissants esprits de la première moitié du XVIIe siècle.
Sources Universalis
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