Commentaire de Antoine :
Ce texte a été écrit par un jeune auteur de 20 ans, étudiant en Lettres Modernes : le procédé de distanciation qu'il met en place (un trentenaire posant un regard rétrospectif sur ses années universitaires) est donc fictif et sert de cadre à l'ensemble, donnant par là-même une profondeur temporelle qui participe à la réussite de l'ouvrage. Il s'agit ici d'anecdotes concernant plusieurs personnages et différentes intrigues succintes et fortes : je serais tenté, plutôt que d'essai, de parler de "récit" polyphonique avec une thématique commune : une attitude face au monde se révélant comme une volonté de marquer une certaine indépendance d'esprit, de liberté de penser (cf le positionnement politique vers le début du texte que j'ai trouvé fameux) ; le besoin de se singulariser, de refuser de suivre le troupeau (un exemple symptômatique : pour le narrateur, une dissertation c'est : "Thèse, Antithèse, Foutaise"). Mais le plus remarquable reste sans aucun doute cette lucidité pour un si jeune auteur qui a su se projeter dans l'avenir, et imaginer le travail de sape de la vie qui souvent nous désillusionne par rapport à nos grands idéaux d'individu "unique" ; en effet, à trente ans, l'étudiant révolté tous azimuts sera marié et ancré dans une vie qu'on imagine pépère et banale. La figure de Dieu joue dans le récit un rôle prépondérant, qui sort le texte de la satire pour lui donner une dimension poétique : le narrateur finira lui aussi dans les "limbes" de ceux qui ne croient plus en Lui. Que sont ces "limbes" ? Le temps infini passé dans l'ennui et la routine. "Acide Abîmé" serait donc interprétable comme l'équation parfaite d'une prise de conscience désastreuse sur la fin des grandes illusions sur soi-même. Une construction qui "boucle la boucle", une écriture forte et bien rythmée : à découvrir absolument.
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