Commentaire de Detroiter :
La Sagesse des Fouch me pose problème… Est-ce un roman ? Est-ce un essai ? Est-ce un OVNI ? Certes, il faut savoir regarder au-delà des schémas classiques de la littérature, nous sommes au XIXe siècle, que diable ! Mais tout de même, le fait que le narrateur rappelle au lecteur à six reprises (pages 5, 55, 75, 84, 92 et 104) qu’il doit se souvenir d’ajouter ceci et de développer cela dans son « roman » pousse le lecteur à penser qu’il s’agit là d’un projet… Effectivement, il y a bien une justification à ce choix, mais elle arrive bien tard dans le livre, page 109. Je dois avouer que je n’ai pas collé à cette idée. Peut-être l’eus-je mieux appréciée si elle était présentée plus tôt, et pourquoi pas dès le début ! Une sorte de mise en place…
Sinon, j’ai vraiment apprécié le thème, les réflexions faites sur notre société – même si quelques-unes sont caricaturales (comme le passage de la mère célibataire, mais peut-être est-ce parce que la mienne l’était et ne ressemblait en rien, Dieu merci, à celle du livre), ou bien enfoncent quelques portes ouvertes (je pense à l’épisode des jeunes de banlieue et leur codes de communication).
Les Fouch sont-ils sages ? C’est finalement la question qui me reste en tête… Se définir à l’extérieur de la Société nécessite de L’analyser, de La penser, de La réfléchir. Ensuite, on choisit ce qui nous convient et de ce que l’on rejette. On se positionne donc par rapport à la Société, encore et toujours la Société, et même en tentant d’En être le négatif, on n’en reste pas moins une image d’Elle. J’ai perçu le combat de Fouch comme perdu d’avance, ses réflexions et ses choix ne le menant finalement pas au bonheur auquel il me semble qu’il aspire : la reconnaissance par la Société de sa supériorité sur Elle. C’est un rêveur qui voudrait changer le Monde par son unique exemple… C’est beau et pathétique. Finalement, ce Fouch, il est touchant.
Quant à son épouse, elle a les pieds sur terre, la tête dans les nuages de son mari, et la main “dans le caleçon du voisin” – si vous me passez l’expression. Je ne l’ai pas perçue comme décisionnaire. Elle suit les choix de son époux si charismatique, si charmeur. Et elle y trouve son compte ! C’est déjà ça, mais j’aurais préféré, vu le titre, qu’elle soit plus instigatrice dans les agissements du couple. Ou alors, il faut passer le titre à : La Sagesse de Fouch.
Pour l’écriture, j’ai eu une agréable surprise avec ce premier roman (en tout cas chez nous). Je n’ai pas pris de notes en lisant, mais je ne me souviens pas d’avoir trouver de maladresses gênantes. Il y a ces passages, à tendance philisophico-socio-anthropologique, qui alourdissent le style, ralentissent un peu trop l’histoire, cassent le rythme. Mais ils donnent matière à réflexions ! S’ils étaient moins longs, peut-être passeraient-ils mieux. En revanche, Jérôme Nodenot montre un bon sens de la trame, une bonne dose d’humour et une intelligence de la langue : les ingrédients d’une lecture agréable.
Et puis il y a la fin. Inattendue, cauchemardesque et cauchemardante. J’y ai vu l’aveu d’un échec… celui de la démonstration de la sagesse des Fouch. J’y ai vu la hauteur de la montagne impossible à faire bouger seul. Et j’ai eu de la peine pour ce bon Fouch.
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Réponse de l'auteur au commentaire de Detroiter : Merci Detroiter pour ce commentaire qui me paraît résumer l'affaire en un tour de main ! Je ne vois pas grand chose à y ajouter. Je m'arrête une seconde sur le personnage de Mme Fouch, dont on n'a peut-être pas assez parlé : je crois qu'elle est très semblable à son mari sans se forcer ; sauf que, là où Fouch ressent le besoin de tout intellectualiser, de disséquer méthodiquement son identité, elle vit sans se poser de questions, instinctivement. Je la considère comme beaucoup plus humble ; mais elle n'est pas pour autant une suiveuse qui se laisserait manipuler, elle sait parfaitement ce qu'elle fait. Quant à la fin du roman, elle résume bien la situation (tu l'as très bien vu d'ailleurs) : "La sagesse des Fouch" est un roman ironique, y compris dans le traitement des protagonistes. J'ai toujours trouvé suspects les romans à thèse, je préfère réfléchir sans juger ni affirmer, mais plutôt de façon ludique et distanciée.
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