Commentaire de elam :
Underground… c’est une station de métro londonienne, située à Paris, sous le parc Montsouris ! Une sorte de plaque tournante spatiotemporelle permettant au héros de voyager, à demi conscient, dans les profondeurs de ses angoisses… Cette partie du roman, qui est infiniment réduite, microscopique par rapport au reste, possède la force d’attraction d’un trou noir, telle la menace d’autodestruction qui pèse sur l’humanité, ou la pulsion de mort qui leste, souterrainement, chacun d’entre nous.
René, le personnage principal de ce roman autobiographique, s’impose avec une vérité et une force vitale peu ordinaires. L’auteur nous fait vivre avec lui le cycle complet d’une année d’amours et de détresses, au mois près, de mars à mars – mois des fous, du printemps frémissant, et du dieu de la guerre. A travers son personnage s’expriment totalement la verve critique, l’humour décapant et l’intelligence subversive de Roland Michel Tremblay.
Ce francophone brillant ne s’embarrasse pas toujours de nos chicaneries grammaticales et syntaxiques, et très judicieusement (car il connaît son affaire), il joue avec le mélange des langues, français/anglais/québécois, pour traduire son univers métissé, tantôt à coups d’expressions imagées où l’accent pointe, tantôt à coups de tournures anglo-saxonnes.
Il se moque bien des puristes de la Sorbonne et il a raison, car ce qui compte avant tout c’est qu’on sente couler le sang et la sève dans l’écriture. Et avec lui nous sommes servis : c’est un torrent qui passe, charriant toutes ses humeurs.
Dans un style faussement débridé (mais qui rappelle parfois les meilleurs – et je pense notamment à J.D. Salinger et à P. Roth), il nous captive par sa peinture psychologique et sociologique, à la fois tendre et cruelle, de René, jeune étudiant, en pleine période de transition dans sa formation universitaire, mais aussi dans ses relations amoureuses homosexuelles.
L’obsession de René concernant la fidélité, prend, tout au long du roman, la valeur d’un questionnement existentiel capable de mettre le monde en perspective. A la fois cynique et romantique, ironique et naïf, intègre et opportuniste, tolérant et impitoyable, fainéant et pugnace, n’épargnant personne et surtout pas lui-même, hanté par la crainte de vivre une vie plate, il passe la sienne et celle des autres au scanner ; la famille, la politique, la religion sont pareillement scrutées ; « Certains pleurent sur des peccadilles, d’autres jouissent sur des pacotilles. », écrit-il dans son journal ; sa quête de sens, menée avec un humour féroce, est désespérée ; l’annonce de sa séropositivité, à la fin du récit, relance son désir d’aimer, intensément, un seul être au monde.
Une chose est certaine : avec R.M. Tremblay nous ne courons pas le risque de lire un livre plat. Ses sentiments, ses émotions, ses réflexions, il les partage avec honnêteté, sans complaisance, et la plupart du temps en soumettant sa langue fluide et ludique à un authentique travail littéraire.
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