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    CRITIQUE LITTÉRAIRE
    Orgueil et Préjugés - Jane Austen




    Critique publiée par Woland le 06-11-2006

    Pour nombre de ses lecteurs, "Orgueil & Préjugés" demeure le chef-d'oeuvre de Jane Austen. Il faut dire que tout, ici, est parfait : les pièces s'emboîtent les unes aux autres au millimètre près, rien n'est laissé au hasard et un souffle de puissance passe sur l'ensemble.

    Une fois de plus, surtout si on le compare à celui de ses contemporains (les soeurs Brontë, Mary Shelley, Byron, etc ...), le style de Jane Austen frappe par son extraordinaire modernité. Certes, il appartient au XIXème siècle par la richesse du détail mais il est déjà du XXème par l'emploi fréquent de phrases courtes et incisives et, plus encore, par la modernité de la critique sociale.

    Il est vrai que, dans les romans d'Austen, nulle allusion n'est faite au statut des domestiques, des ouvriers ou des paysans, encore moins à celui de plus misérables qu'eux. Le domaine de la romancière, c'est la bourgeoisie et la petite aristocratie. En revanche, cette célibataire volontairement ou non endurcie (la dot de Jane ne devait pas être très conséquente) s'attaque avec énergie au statut de la Femme dans la société pré-victorienne.

    Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'y va pas de main morte !

    En ce XIXème siècle qui commence avec les débordements pourtant si peu matérialistes des Romantiques, la femme qui ne dispose pas de suffisamment d'argent soit par la naissance, soit par l'héritage n'a pas d'avenir - à moins d'un miracle qui reste toujours possible, il est vrai. Dépendante en effet, elle le sera toujours : soit de son père qui, s'il ne lui garantit pas une dot adéquate, lui ferme la porte d'un bon mariage, soit de ses frères (et de ses belles-soeurs) qui, à la mort du père, auront reçu le titre éventuel et la plus grande partie de l'héritage, soit enfin de son mari qui, s'il ne se soucie pas de lui garantir un douaire, risque de faire d'elle l'une de ces "parentes pauvres" dont Balzac a donné une idée en France avec sa "Cousine Bette."

    Cette critique, tour à tour féroce et poignante, reste un leitmotiv dans l'oeuvre d'Austen mais jamais peut-être on ne le ressent autant que dans "Orgueil & Préjugés" où Jane et Elizabeth Bennett ont la plus grande peine à se faire une place au soleil par le mariage en raison : a) du peu de fortune de leur famille ; b) et du laisser-aller qui préside à la relation entre leurs parents.

    Intrépide, naturelle mais cependant toujours profondément digne, le personnage d'Elizabeth se fait ici le porte-parole de l'auteur pour dénoncer l'hypocrisie sous le sens des convenances et la mise-en-quarantaine de certain(e)s afin que soit préservé l'équilibre d'une société désespérément figée. Austen va même jusqu'à dénoncer le fait que tout (ou presque) soit autorisé aux hommes alors que les femmes doivent subir, subir et encore subir ...

    Pour le reste, si vous ne connaissez pas encore l'histoire des amours du beau et arrogant Mr Darcy avec Elizabeth ni celle de son ami, Mr Bingley, avec Jane, sa soeur aînée, l'heure est venue pour vous de vous y plonger. Vous n'y perdrez pas car, sous le vernis du roman d'amour, "Orgueil & Préjugés" constitue l'une des plus fines et des plus implacables analyses qui aient jamais été faites sur la bonne société britannique du temps.


    Le critique : Woland
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