Critique publiée par Woland le 10-01-2007
Cinquième volume des "Annales du Disque-Monde", "Sourcellerie", que j'avais ici injustement méconnu, je l'avoue à ma grande honte, aurait pu se sous-titrer : "Comment Rincevent le Maje (sic) sauva le Disque-Monde." C'est en effet ce mage dont l'incompétence est célèbre du Moyeu jusqu'au Rebord (et vice versa) que l'on retrouve en vedette de ce volume, occupant pour l'instant le poste assez envié d'assistant du bibliothécaire de l'Université de l'Invisible - celui qu'une trop grosse charge de magie a transformé en orang-outang.
Mais quand commence notre histoire, les livres semblent pris d'une crise non de folie mais de pure terreur. Le bibliothécaire lui-même entreprend de se retirer dans son coin, sous le bureau, avec une couverture par-dessus la tête et il faut toute la persuasion de Rincevent, lui-même assez inquiet de voir les clous et les ferrures des portes sauter toutes seules dans le vide et les matelas des chambres se carapater dans la nature, soutenus par des armées de punaises prises de panique, pour que l'anthropoïde accepte d'accompagner son assistant au rendez-vous de tous les soiffards d'Ankh-Morpork : "Le Tambour Rafistolé", avec son troll "éjecteur", Détritus, qui veille à la porte.
Les lecteurs de "La Huitième couleur/Le Huitième sortilège" se rappelleront que c'est dans ce haut lieu de la vie sociale ankh-morporkienne que Rincevent, quelques années plus tôt, avait rencontré Desfleurs, l'Agatéen et, partant, l'ineffable Bagage, le tout avant de se lancer dans une série d'aventures rocambolesques. Ils ne s'étonneront donc pas de voir Pratchett reprendre le même procédé pour l'y faire cette fois rencontrer Conina, membre de la Guilde des Voleurs de la Ville et fille du célèbre Cohen le Barbare, qu'une voix aussi puissante que strictement intérieure a amenée à voler le chapeau de l'Archichancelier de l'Université de l'Invisible.
Ce chapeau qui, en apparence, possède tous les défauts des chapeaux de mages - à savoir : mauvais goût, cabochons en tous genres, suffisance et pouvoirs magiques ici d'autant plus développés que l'objet en question a coiffé tous les Archichanceliers de l'Université depuis sa création par Alberto Malik - est aux mages d'Ankh-Morpork ce que leur couronne est aux monarques de Lancre : le Symbole de la Souveraineté. Doué d'autant de vie que le "Choipeau Magique" qui s'anime dans "Harry Potter", ce chapeau-là n'entend pas être coiffé par n'importe qui - et surtout pas par un sourcelier.
Car, alors que Rincevent et le bibliothécaire allaient oublier leurs soucis au "Tambour Rafistolé", un jeune sourcelier de dix ans à peine, Thune, fils d'Ipslore le Grand, avait fait son entrée à l'Université de l'Invisible pour y réclamer le poste et le chapeau d'Archichancelier. D'abord amusés, puis sceptiques, les mages n'avaient pas tardé à s'incliner devant cette volonté toute puissante : un sourcelier, qui est le huitième fils du huitième filsd'un huitième fils, en vient en général à constituer un mage au carré. Surtout lorsque, comme dans le cas de Thune, son père a été l'un des plus grands mages de sa génération - mage rejeté par ses condisciples parce qu'il avait osé enfreindre les règles et se marier.
Rincevent étant, avec le bibliothécaire, le seul mage à ne pas subir l'emprise du nouvel arrivant, le Chapeau décide de se servir de lui non pour lui insuffler la force nécessaire pour contrer Thune - l'anticonformisme inné de Rincevent ne s'y prêterait pas - mais pour le guider vers un homme susceptible d'agir pour le Chapeau et de rétablir l'ordre. L'effet le plus horrible de la sourcellerie, c'est en effet de faire s'ouvrir les Dimensions de la Basse-Fosse et d'en faire sortir des affreusetés lovecrafiennes ...
Pour l'aider dans sa quête ("son jahar", dirait Nijel), outre Conina (dont Rincevent, comme son Bagage, tomberont amoureux), le mage bénéficiera de l'appui de Nijel, apprenti héros barbare qui a promis à sa mère de porter des sous-vêtements en laine pour ne pas s'enrhumer ; d'une bande de pirates klatchiens ; du Sériph poète Créosote dont la vie sexuelle se borne à toute une nuit d'histoires que lui conte une excellente narratrice ; d'Abrim, grand vizir haineux du précédent ; d'un génie vaguement oriental mais très occidentalement surbooké qui se met très souvent sur répondeur et, bien sûr, de la complicité de la Mort qui, ayant renoncé depuis belle lurette à voir mourir Rincevent de façon traditionnelle, s'amuse désormais à lui apparaître régulièrement lorsqu'il s'en vient prendre l'un de ses compagnons ou de ses adversaires. Apparitions que Rincevent est le seul à remarquer et qui le mettent toujours dans tous ses états - on le comprend !
En dépit des apparences, tout se terminera bien et je puis d'ores et déjà vous prédire que Rincevent remontera des Dimensions de la Basse-Fosse lorsque, le confondant avec un démon, un certain Eric l'invoquera dans le plus bref volume de la série qui s'appelle justement : "Faust Eric." Le critique : Woland Note : Liens relatifs : Amazon.fr Hits : 2872
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