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    CRITIQUE LITTÉRAIRE
    Histoire du Chevalier Des Grieux & de Manon Lescaut - Abbé Prévost




    Critique publiée par Woland le 04-03-2007

    Bien que l'intrigue soit assez dense, le texte est du genre bref - même pas 200 pages. A l'origine, il devait être inclus dans les "Mémoires et Aventures d'un Homme de Qualité ..." qui constitue l'une des premières "grandes" oeuvres de Prévost. C'est en effet le héros de ces "Mémoires ..." qui, intrigué par ce cortège de captives surveillées par les archers du Roi et auprès desquelles chevauche un jeune homme accablé mais de mine aristocratique, profite de la halte de tout cet équipage dans la cour de l'auberge où lui-même se trouve de passage pour s'enquérir des raisons qui poussent le jeune cavalier à suivre les charrettes des déportées.

    Deux ans plus tard, l'homme de Qualité retrouve le jeune homme et celui-ci lui raconte cette fois toute son histoire.

    Tombé amoureux d'une jeune fille que sa famille voulait enfermer au couvent parce qu'elle manifestait trop de goût pour "le plaisir", Des Grieux l'enlève et, pendant quelques temps - celui de dépenser tout l'argent dont ils disposent - ils mènent joyeuse vie à Paris. Lorsque l'argent commence à se faire rare, Des Grieux se propose d'écrire à son père et de lui demander de l'aide. Mais sa compagne, Manon, accueille assez froidement cette idée et l'assure de la laisser faire. Résultat : peu de temps après, alors que Manon se met en ménage avec M. de B*, un riche fermier général, Des Grieux est enlevé et ramené par son frère aîné chez leur père.

    Dégoûté - du moins le croit-il - Des Grieux se consacre à la soutenance de sa thèse en théologie. Hélas ! Manon, superbement parée puisque B* l'entretient sur un grand pied, assiste à cette soutenance et se fait reconnaître. Voilà Des Grieux aux pieds de sa maîtresse. Et, une fois de plus, tous deux décident de s'enfuir.

    Avec les 60 000 francs que Manon avait réussi à mettre de côté sur la pension servie par B*, ils s'achètent une maison à Chaillot où ils vivent tout d'abord paisiblement. Mais Manon s'ennuie et ils prennent un pied-à-terre sur Paris, dans le quartier même où vit le frère de Manon, un aventurier sans scrupules qui s'incruste chez eux. La maison de Chaillot ayant brûlé et les pillards étant passés par là, Des Grieux se confie cependant à Lescaut pour trouver un moyen de regagner de l'argent. Il sait bien que, sans cela, il perdra à nouveau Manon. C'est ainsi qu'il se fait "chevalier d'industrie" - en d'autres termes, tricheur professionnel.

    L'argent rentre mais fait bien des envieux et les domestiques du jeune couple s'enfuient avec leur linge et leur fortune. Tandis que Des Grieux ne sait plus à quel saint se vouer, Lescaut conseille à sa soeur de faire les yeux doux à un vieux viveur, M. de G ... M... Puis, de conseil en conseil, il convainc Des Grieux d'entrer dans le stratagème et de se faire passer pour leur frère, à lui et à Manon.

    Et tout tourne mal. A vrai dire, Manon et Des Grieux ne cessent de tomber de Charybde en Sylla mais le lecteur impartial ne peut manquer de se dire bien souvent qu'ils y mettent beaucoup du leur par leur légèreté et leur égocentrisme.

    Ce roman est étrange parce que, sous couvert de critique sociale (contre les moeurs de la noblesse et aussi de la bourgeoisie et, bien sûr, de manière plus voilée, contre le pouvoir en place) et en dépit de sa fin convenue (Manon meurt aux colonies et Des Grieux s'en sort puisqu'il est fils de bonne famille), il fait l'apologie du cynisme et, ce qui est pire, de la déresponsabilisation absolue. Des Grieux rejette toujours la responsabilité de telle ou telle faute pourtant grave (comme l'assassinat de l'un des guichetiers de Saint-Lazare) sur un tiers. C'est extrêmement désagréable et c'est sans doute ce qui me l'a rendu si antiphathique.


    Le critique : Woland
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