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    CRITIQUE LITTÉRAIRE
    La Grande Peur dans la Montagne - Charles-Ferdinand Ramuz




    Critique publiée par Woland le 04-03-2009


    Certes, avec ses répétitions qui donnent au lecteur l'illusion d'un lent et pesant piétinement de sabots, et avec les moments de silence qui s'installent si souvent entre les protagonistes, ce roman a de quoi surprendre. Mais il surprendra moins de nos jours, habitués que nous sommes à l'intrusion de la sécheresse journalistique, des banalités sollersiennes et des rabâchages angotiens dans des ouvrages régulièrement encensés par les sacro-saints médias.

    Pour en finir avec cette histoire de style, je dirai que Ramuz me rappelle Gabriel Chevalier décrivant ses paysans de Clochemerle (la grivoiserie rabelaisienne en moins), Marcel Aymé dans ses romans villageois ou encore Jean Giono nous racontant "Regain." C'est lent, ça prend son temps mais c'est aussi lumineux, attentif au moindre détail de la Nature et bourré de poésie.

    Bref, ce n'est pas ça que je retiendrai de "La Grande Peur dans la Montagne." Non, ce que j'en retiens, c'est le parallèle que je n'ai pu m'empêcher de faire entre ce roman à la connotation fantastique et "Le Projet Blair Witch." Jeté comme ça sur un fil webien, rien ne pourrait paraître à première vue aussi antinomique et pourtant ...

    Pourtant, ce que Myrick & Sánchez réussissent à produire en jouant de leurs caméras (ceux qui ont vu le film savent que ce pluriel recèle de diabolique roublardise ;o) ), Ramuz l'a fait en n'utilisant que les mots et les images littéraires : à l'issue du films comme du livre, le spectateur-lecteur se retrouve complètement déstabilisé et ne sait plus que croire.Si quelques menus détails gore et une interprétation de très grande qualité ont aidé les réalisateurs dans leur entreprise, Ramuz, lui, n'a eu que l'encre, le papier et les mots pour matérialiser le cauchemar imaginé par lui. Et ça, c'est du grand Art !

    L'intrigue est très, très simple : le maire d'un petit village vaudois décide de louer un pâturage déserté depuis vingt ans, à la suite d'on ne sait trop quelle histoire qui a laissé quelques morts sur le carreau et beaucoup trop de silences et de non-dits derrière elle. En plus du nouveau locataire et de son neveu, montent donc à l'alpage quatre valets de ferme d'âge adulte et un petit garçon, surnommé traditionnellement "le boûbe" et destiné à remplir les menues tâches. Parmi les hommes, Barthélémy, le seul rescapé de la première aventure, vingt ans plus tôt. Désormais porteur d'une amulette, il se croit à l'abri de toute fâcheuse surprise ...

    Ni spectres, ni apparitions, ni démons dans ce roman. Rien que la Montagne, omniprésente avec ses glaciers, et qui change de couleur et d'atmosphère selon que le soleil l'éclaire ou pas. Sous les rayons du soleil ou poursuivis par les ombres qui rôdent au crépuscule, les hommes voient leur visage se transformer, s'avancer ou reculer brutalement comme s'il était doué d'autonomie et n'était en rien tributaire des mouvements du corps qui le porte. La prose faussement simple de Ramuz anime également les bruits du chalet et de l'alpage : un bruit menu sur le toit qui, dans la nuit, s'enfle jusqu'à singer les pas d'un homme (??), celui de la rivière toute proche et glacée, les ronflements des hommes et puis, à l'extérieur, toujours de nuit, l'affolement du troupeau qui a attrapé "la maladie."

    A lire. Sans s'attendre à du Stephen King ou même à du Charles Nodier. Mais à lire, pour nous rappeler que la Nature nous cache bien des choses et est capable de nous haïr. ;o)


    Le critique : Woland
    Note :
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