Critique publiée par Woland le 30-03-2005
Un jour, il y a de cela quelques années, Terry PRATCHETT s’ennuyait et l’idée lui vint de créer le Disque-Monde, un monde circulaire et plat porté par Bérilia, Tubul, Ti-Phon l’Immense et Jérakine, quatre éléphants gigantesques qui ont élu domicile sur le dos de la Divine A’Tuin, la Tortue interstellaire dont la longueur atteint la bagatelle de quinze mille kilomètres et dont les yeux sont aussi immenses que des océans.
« La Huitième Couleur », premier volume des « Annales du Disque-Monde », venait de naître.
« Mais que peut bien être cette Huitième Couleur ? » me demanderez-vous, tout ébaubis.
« Mais l’octarine, » vous répondrai-je alors, « un nom si totalement inconnu sur la planète Word, où je tape ce message, que le logiciel de traitement de textes le prend pour une faute d’orthographe et le souligne d’un trait rouge, si c'est pas malheureux ! »
L’octarine, ou la couleur de la Magie ...
Le mot est écrit : Magie. Et comme PRATCHETT est un roi de la Parodie, il va de soi que c'est au moins doué de tous les mages du Disque-Monde qu’il confie l’intrigue de son roman ainsi que le personnage qui va contribuer pour beaucoup à la faire progresser : DEUXFLEURS. Celui-ci est un paisible touriste en provenance de Bès Pélargic, cité de l'Empire agatéen. Il débarque à Ankh-Morpork pour découvrir les mille et une merveilles de cette ville où l’on trouve paraît-il le mieux à Ankh et le pire à Morpork. Vous vous en doutez, comme tous les touristes dignes de ce nom, DEUXFLEURS est fortement intéressé par le pire ...
Pour être tout-à-fait honnête, le mage en question, RINCEVENT, qui deviendra un personnage récurrent de la saga du Disque-Monde, a été mis à la porte de l’Université de l’Invisible parce que, jeune étudiant un peu trop curieux, il avait eu l’idée pour le moins farfelue d’aller fourrer son nez dans le Grand In-Octavo, livre quasi sacré et des plus redoutés parce que le Créateur du Disque l’a oublié sur son œuvre, avec les Huit Sortilèges à l’intérieur.
Enfin, depuis le passage en coup de vent de RINCEVENT, le Grand In-Octavo ne recèle plus que sept sortilèges. Le Huitième, sans doute désireux de voir du paysage, a brutalement investi la cervelle du jeune RINCEVENT et, depuis lors (et à la stupeur générale car il est difficile de comprendre pareille attitude chez un Sortilège aussi évolué ...) il ne veut plus en bouger . Le pire est que l’arrivée pour le moins musclée du Huitième Sortilège a fait se sauver tous les autres sorts, invocations, sortilèges, etc … que l’étudiant en magie avait pu se fourrer dans la cervelle.
C’est pour cette raison que, bien qu’étant devenu le seul homme sur le Disque-Monde capable de prononcer le Terrible et Epouvantable Huitième Sortilège, RINCEVENT n’en est pas moins en parallèle un mage totalement inopérant et qui ferait se gausser n'importe quel jeunot de 1ère année.
Un don cependant lui est resté, sans doute parce qu’il n’a rien à voir avec la Magie telle qu’elle se définit habituellement : celui des langues. Et c’est cette connaissance quasi prodigieuse des langues et dialectes du Disque-Monde qui lui permet de se lier avec cet innocent de DEUXFLEURS qui, sous prétexte de voir de plus près héros, barbares, mages, dragons, monstres mais aussi, à l’échelle au-dessous, brigands et pillards, n’hésite pas à promener sa naïveté et son or au sein des pires quartiers de Morpork.
Du coup, RINCEVENT se retrouve convoqué chez le Praticien – le Chef Suprême du coin, si vous préférez, une espèce de BORGIA d’Heroic Fantasy parodique. Le Praticien a en effet reçu de ses voisins de l’Empire agatéen la recommandation de prendre bien soin de leur ressortissant. Sinon, les relations diplomatiques entre les deux pays pourraient en prendre un sacré coup. Et voilà RINCEVENT dûment convaincu, à coup de menaces sanguinaires, de devenir l’ange gardien de DEUXFLEURS pendant toute la durée de son séjour …
Comme toujours, l’histoire, qui se poursuit et prend fin dans « Le Huitième Sortilège », est irracontable. Disons que, pour l’essentiel, à la suite d’invraisemblables péripéties, RINCEVENT et DEUXFLEURS vont basculer au-delà du Disque-Monde. Mais comme le Huitième Sortilège veille jalousement à l’intégrité physique de celui dont il a élu la cervelle comme résidence principale, tous deux s’en sortent bien évidemment pour mieux se retrouver à Ankh-Morpork où ils devront affronter l’horreur d’une immense étoile rouge qui se rapproche à très grande vitesse du Disque-Monde et qui …
Au gré des pages, apparaissent des personnages dont nous retrouverons certains dans d’autres ouvrages du Disque-Monde : l’incroyable Bagage, coffre de voyage en "poirier pensant" muni d’une foultitude de petites jambes, propriété initiale de DEUXFLEURS (qui l’a acheté dans une boutique magique et n’a pu l’y rapporter par la suite parce que la boutique s’était évaporée …) mais qui deviendra celle de RINCEVENT à la fin de « Le Huitième Sortilège » ; la Mort, bien sûr (ne ratez pas les explications sur les règles du jeu de bridge que DEUXFLEURS lui fournit avec sa courtoisie innée : cela vaut largement le détour !) ; TRYMON, l’Enchanteur trop ambitieux ; l’inénarrable COHEN le Barbare, quatre-vingt-sept ans et toute sa vigueur même s’il n’a plus beaucoup de dents ; BETHAN, jeune vierge qui, sauvée par COHEN des mains de druides assassins, tombe amoureuse de son sauveur et entend bien l’épouser ; quelques trolls que l’âge transforme systématiquement en rochers (Vieux-Pépé en est le plus redoutable) ; et le Bibliothécaire de l’Université de l’Invisible (gagné ! Vous saurez enfin comment il s’est tranformé en orang-outang !)
Enfin, si le premier volume vous semble mettre un peu de temps avant de prendre son envol, soyez indulgents et n’oubliez pas qu’il est toujours un peu difficile d’exposer en détails pour la première fois un monde aussi complexe que celui du Disque. Et persévérez !
Que la lumière du Disque-Monde vous illumine et que Io l'Aveugle, le plus grand des dieux, veille à jamais sur vos lectures !
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