Critique publiée par Woland le 01-04-2005
Voici un autre livre qui m'a fascinée, tant par sa construction et son intrigue que par la vigueur de ses personnages - notamment la marquise de Merteuil. Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, voilà quel en est le sujet.
Demeurés bons amis après avoir été amants, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont ont l'habitude de partager expériences libertines et épîtres explicatives détaillées. C'est vrai qu'ils n'ont rien à se cacher car chacun sait tout de l'autre, y compris le pire - cet acte par exemple qui vaudrait au vicomte les prisons du Roy et à tout le moins l'exil hors du Royaume s'il venait à être claironné sur la place publique.
Ayant un compte à régler avec l'un de ses anciens amants, le comte de Gercourt, lequel a commis l'incivilité de la quitter avant qu'elle-même se fût lassée de lui, Mme de Merteuil fait appel à Valmont pour séduire la fiancée de Gercourt, la jeune Cécile de Volanges, tout juste sortie du couvent.
Fort occupé chez sa tante, Mme de Rosemonde, à faire le siège de la sage et douce Présidente de Tourvel, femme vertueuse et pieuse qui, en l'absence de son époux, séjourne "à la campagne" de Mme de Rosemonde, le vicomte se fait un peu tirer l'oreille. Il se doute bien que la mère de Cécile, amie très proche de Mme de Tourvel, fait tout son possible pour mettre celle-ci en garde contre lui mais il conserve bon espoir de l'emporter. Et puis, regagner Paris en laissant derrière lui la séduisante Présidente ne le tente pas ...
Mais à Paris, justement, les choses s'emballent. Mme de Volanges découvre un début de correspondance amoureuse entre le chevalier Danceny et Cécile et, bien décidée à mettre un terme à cette folie qui risque de compromettre la riche union avec Gercourt, se laisse inspirer par Mme de Merteuil - qu'elle estime beaucoup - l'idée d'expédier sa fille elle aussi à la campagne, chez sa vieille amie, Mme de Rosemonde.
A partir de là, on peut dire que le destin de tous les personnages est scellé. Sous prétexte d'aider Danceny - l'une de ses relations - à correspondre avec Cécile, Valmont séduit peu à peu celle-ci et devient son amant. En parallèle, le fringant roué continue à faire à Mme de Tourvel une cour tenace mais respectueuse qui, à la longue et après quelques petites aventures, portera ses fruits.
Mme de Merteuil, qui observe cela de loin, se distrait un peu en perdant de réputation Prévan, un officier des Gardes qui avait juré de prouver qu'elle n'était pas plus vertueuse qu'une autre. Puis, perdant patience car la jalousie s'éveille en elle, elle convainc Valmont d'abandonner Mme de Tourvel et, afin de faire souffrir un peu plus cet homme qui, finalement, est le seul qu'elle a jamais réellement aimé, elle prend Danceny pour amant.
Sous le coup de la douleur provoquée par l'abandon de Valmont, Mme de Tourvel court se réfugier au couvent où elle a été élevée et où elle sombre dans le délire. Elle n'en sortira que pour apprendre la nouvelle de la mort du vicomte, tué en duel par Danceny. Mme de Merteuil avait en effet révélé au chevalier le rôle pour le moins ambigu qu'avait joué son prétendu ami dans la séduction de Cécile.
Parce qu'elle l'aimait - et aussi parce qu'il fallait à Laclos une fin qui sauvegardât la morale - Mme de Tourvel ne survit pas à l'annonce du décès de ce Valmont à qui elle a tout sacrifié. A Paris, Danceny, qui a reçu des mains de son adversaire mourant une grande partie des lettres qu'il avait échangées avec Mme de Merteuil et qu'elle lui avait adressées, en diffuse quelques unes pour établir enfin la vérité sur la marquise. Prévan est réhabilité et Mme de Rosemonde renonce à porter plainte contre Danceny pour le meurtre de son neveu. Devant la décision de sa fille de prendre le voile, Mme de Volanges reprend la parole qu'elle avait donnée au comte de Gercourt.
Quant à Mme de Merteuil, elle perd le procès qui devait lui sauvegarder l'héritage de son époux, attrape la petite vérole et s'en retrouve toute défigurée. Pourtant, ne pouvant sans doute se résoudre à accabler totalement celui de ses personnages qui avait le plus de personnalité, Laclos la fait monter en carosse avec plus de 50 000 livres et tous ses bijoux et lui permet de passer la frontière.
Le Mal court toujours ...
Au-delà d'une certaine sécheresse, le style de Laclos ressuscite une langue châtiée et proche de la perfection. Curieusement, la forme du roman à lettres, si en vogue à l'époque et dont les Britanniques avaient donné une version éblouissante avec la "Pamela" de Richardson, reste tolérable. Et cela tient beaucoup à une intrigue et à des personnages bien plus modernes, en fait, que nous ne pouvions le supposer au début.
Un livre à lire et à relire. A voix haute en particulier, et pour tous ceux qui apprécient tout particulièrement la langue française, c'est un authentique régal.
Le critique : Woland Note : Hits : 4813
[ Faire un commentaire ] [ Retour à l'index des Critiques ] |