Critique publiée par Woland le 27-08-2005
Comme on m'avait offert le film de Sodenbergh et que celui-ci m'avait laissée sur ma faim (et une fois de plus à me demander pourquoi, mais pourquoi diable les Américains ne peuvent pas se dépêtrer : 1) de la culpabilité judéo-chrétienne ; 2) de la tradition du "happy end"), j'ai acheté le livre de Stanislas Lem.
Et alors là, par contre, j'ai adoré !
D'accord, officiellement, "Solaris" est une oeuvre de Science-Fiction. D'accord, son action se passe dans une station spatiale vouée à l'étude de l'étrange planète qui fournit son titre au roman. D'accord, Lem utilise les données habituelles de la SF. Et pourtant, ce roman est en fait l'actualisation d'une interrogation immémoriale : d'où venons-nous ? pourquoi sommes-nous là ?
J'avoue d'ailleurs être restée pantoise de constater qu'un écrivain polonais, et donc fortement imprégné par un catholicisme rétrograde, avait pu se livrer à une analyse aussi percutante du mystère des origines. Sa formation scientifique y est certainement pour quelque chose. (Si l'on tient compte de la richesse de pensées qui fut la sienne, on comprend mieux pourquoi les religions, quelles qu'elles soient, ont toujours considéré la Science d'un très mauvais oeil ...)
Tout commence par l'arrivée d'un psychiatre, le Dr Kelvin, à bord de la station spatiale de Solaris où règne désormais un silence presque mortel. Kelvin découvre que l'équipage, initialement formé de trois personnes, Gibarian, Snaut et Lepsius, se résume maintenant aux deux derniers. Mais Lepsius refuse de sortir de sa chambre et c'est Snaut qui apprend à Kelvin le suicide de Gibarian. Visiblement à bout de nerfs, Snaut n'en refuse pas moins d'expliquer à l'arrivant les raisons qui ont poussé Gibarian au suicide. Sous ses sarcasmes, se devine la peur. Mais de qui, de quoi a-t-il peur ? Cela non plus, il ne le dira pas.
Peu à peu, Kelvin réalise que, pour une raison qui pourrait trouver son origine dans un bombardement de rayons X infligé à l'océan qui forme Solaris, les hommes de l'équipage, sortant de leur sommeil, ont vu se matérialiser des "visiteurs." Des visiteurs de Snaut et Lepsius, nous ne saurons rien. Pour Kelvin, ce sera sa femme, qui s'était suicidée après leur rupture. Pour Gibarian, c'était aussi une femme.
On savait depuis longtemps que Solaris avait la faculté de reproduire des objets. Mais jusqu'ici, la planète n'avait jamais engendré des formes aussi exactes et douées d'une vie qui semble bien immortelle ...
Les visiteurs ne semblent pas hostiles mais, évidemment, comment concilier leur présence avec la réalité antérieure ? La Harey qui apparaît à Kelvin et qui dit elle-même ne pas trop savoir ce qu'il lui arrive n'a pas grand chose en commun avec la Harey morte il y a plusieurs années, sur la Terre. C'est une espèce de clone dont l'esprit ressemble à un cahier à peine entamé et qui, malheureusement, souffre de son état.
Plus on avance dans le livre, et plus la souffrance de Harey augmente jusqu'à ce que ...
Inspiré plus ou moins par la Gnose chrétienne, dévidant avec obstination le fil d'une logique qui peut paraître désespérée, "Solaris" est un roman unique qui nous rappelle que la SF, c'est aussi autre chose que "Star Wars." Cool
Sur Stanislas Lem :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stanislas_Lem
et un article très intéressant sur un blog :
http://www.phasms.com/blogs/index.php/lullaby/2005/08/16/la_cyberiade Le critique : Woland Note : Liens relatifs : Amazon.fr Hits : 3187
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