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    CRITIQUE LITTÉRAIRE
    La Boutique aux Miracles - Jorge Amado




    Critique publiée par Woland le 27-08-2005

    Si vous voulez lire un auteur brésilien qui a réellement quelque chose à dire et qui le dit dans un style digne des luxuriances tropicales de son pays, lisez Jorge Amado sur lesquels les sites suivants vous renseigneront mieux que je ne saurais le faire moi-même :

    http://authologies.free.fr/amado.htm

    http://balajo.club.fr/page5.html

    Je viens d’achever un Amado que je n’avais jamais lu : « La Boutique aux Miracles » qui fut, je crois, édité en 1971.

    A sa manière baroque et lyrique de conteur-né, Amado nous y retrace l’histoire de Pedro Archanjo, humble appariteur à la Faculté de Médecine de Bahia, poète passionné par ce melting-pot unique au monde que fut son pays, fervent défenseur des pauvres et des opprimés, haute figure du candomblé et mulâtre.

    Pedro Archanjo naît en 1868 et sa vie ne sera qu’une succession de combats. Combats contre lui-même tout d’abord pour s’instruire et apprendre - apprendre encore et toujours plus - et puis pour ne pas enlever à son « frère » Lidio Corro la femme qu’aime celui-ci. Avec l'âge viennent les combats publics : contre les lois qui visent à interdire la tenue des candomblés, ces cérémonies où les cultes animistes africains s’unissent aux pompes et aux ors du catholicisme, contre la misère qui n’arrête pas de rôder comme une hyène parmi le peuple brésilien, contre la volonté d’apartheid qui commence à se répandre dans le pays à l’aube de la Seconde guerre mondiale …

    Quand Archanjo decède d’une crise cardiaque en 1943 et comme nul n'est prophète en son pays, les quatre ouvrages qu’il a écrits sont retombés dans l’oubli. Mais, en 1968, voilà que débarque à Bahia un Prix Nobel made in USA, James D. Levenson, lequel lance sans le savoir le pavé dans la mare en affirmant publiquement que les écrits qui ont eu le plus d’influence sur les siens ne sont autres que ceux de l’ancien appariteur brésilien.

    Chez les journalistes et les notables bahianais, la stupeur est totale. Mais ils ne veulent ni ne peuvent révéler à l’Américain qu’ils ignorent tout – ou presque – de Pedro Archanjo et de son œuvre. Et la course commence : hommes de presse, hommes de sciences, hommes de lettres, snobs tous azimuts, tout le monde se rue sur la mémoire de Pedro Archanjo.

    Tant bien que mal, tout ce beau monde se décide à rendre un hommage mérité et mémorable à celui qui, s’il avait vécu, aurait alors fêté son siècle d’existence. Mais, pour ce faire, il faut bien entendu obtenir un maximum de renseignements sur cette gloire inconnue – et surtout trier ceux que l’on pourra utiliser …

    Ça pourrait être horriblement triste mais Amado adoucit le ton par son humour – bien que celui-ci soit souvent féroce. Les chapitres font alterner les deux intrigues : le grand branle-bas de 1968, cette course-poursuite au Pedro Archanjo politiquement correct et la relation de la vie de Pedro Archanjo, tel qu’il fut – c’est à dire tout le contraire du « politiquement correct. » Les personnages sont brossés à grands traits colorés : ils éclatent littéralement de couleurs et de saveurs – au reste, Pedro Archanjo et son auteur n’ont-ils pas tous deux rédigés des livres de recettes de cuisine ? Et ce qu’ils font, ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent, tout cela sonne vrai – en tout cas, c’est ainsi pour moi mais ce ne sera peut-être pas votre avis.

    Peut-être parce que, comme dans la vie réelle, la douleur et le chagrin tiennent également leur rôle dans l’histoire de Pedro Archanjo : son amour pour Rosa da Oshala tout d’abord et puis – et c’est peut-être le plus triste – l’abandon dans lequel son fils Tadeú le laissera peu à peu glisser après que lui-même se sera élevé socialement par ses études (supportées par Archanjo et ses amis) et par son mariage avec la fille – blanche – du colonel Gomes.

    Mais cela aussi, Pedro Archanjo, le philosophe, l’accepte. C’est pour que tous les Tadeú du Brésil aient leur chance que lui-même s’est battu si longtemps – et il le sait. Le jeu en valait bien la chandelle, non ? ...

    En conclusion, j'ajouterai qu'il est rare de voir un héros de roman revendiquer de façon aussi égale et aussi puissante sa part européenne et sa part africaine - et se montrer aussi fier de l'une comme de l'autre. Par les temps qui courent, que voulez-vous, ça me fait plaisir - d'autant qu'Amado le fait avec la simplicité du vrai poète.

    Un auteur à découvrir, donc, si vous ne le connaissez pas encore.


    Le critique : Woland
    Note :
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