Critique publiée par Woland le 27-08-2005
Impossible, dès lors qu'on a commencé "Le Pavillon des Cancéreux", d'abandonner ces personnages : depuis Paul Roussanov, fonctionnaire obtus ayant sa carte au Parti et ayant dénoncé (entre autres) un couple d'innocents pour s'emparer de leur appartement (Boulgakov aussi a impitoyablement dénoncé cette pratique ignoble) jusqu'à Kostoglotov, le double de l'auteur dans le roman, tous nous agrippent le coeur. Perso, j'ai lu ce roman en une journée et demie - et pourtant, c'est un "pavé." Et j'en redemande !
Résumer l'intrigue demanderait un temps dont je ne dispose pas aujourd'hui. Grosso modo, l'action se situe en 1955 - Staline est mort en 1953 et l'entreprise de déboulonnage du "Petit-Père des Peuples" est en cours - dans un hôpital kazakh, plus précisément dans la section de cet hôpital où l'on soigne les personnes atteintes du cancer. Celui-ci étant, comme la plupart des maladies, absolument insensible aux distinctions sociales et politiques, les malades que nous présente Soljenitsyne représentent en fait la société soviétique stalinienne : à Roussanov, le dénonciateur sans états d'âme que seule la crainte de la Mort amène à s'interroger sur ses pratiques passées, s'oppose la figure de Kostoglotov, ancien sergent de l'Armée rouge qui, pour avoir osé critiquer Staline, se retrouva au bagne avant de voir sa peine commuée en une relégation à perpétuité. Le duel est puissant et, en dépit des apparences, c'est Kostrogotov qui en sortira vainqueur.
Autre figure à retenir : celle de Choulabine. Atteint d'un cancer du rectum, celui-ci explique à Kostoglotov que, si l'existence imposée aux bagnards du goulag et aux relégués fut épouvantable, la vie de ceux qui s'inclinèrent sans rien dire et laissèrent Staline perpétrer ses crimes sans tenter au moins une révolte fut tout aussi atroce.
Et puis, bien entendu, il y a l'équipe soignante et l'on apprend avec ahurissement que, sur cinq chirurgiens payés par l'Etat soviétique dans cet hôpital, deux seulement sont à même de pouvoir exercer. Les trois autres n'ont de chirurgien que le titre et le salaire confortable, qu'ils ont acquis par protection ... Edifiant, non ? ...
En un mot comme en cent, "Le Pavillon des Cancéreux" est si fort que, du coup, j'ai relu la fameuse "Journée d'Ivan Denissovitch", qui lança la renommée de Soljenitsyne, et que je compte combler mes lacunes sur le Prix Nobel de Littérature 1970 en lisant par la suite "Le Premier Cercle" et l'intégrale de "L'Archipel du Goulag." Le critique : Woland Note : Liens relatifs : Amazon.fr Hits : 4464
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