Critique publiée par Woland le 27-08-2005
L'ouvrage date un peu puisqu'il est sorti en 1949 mais il n'en demeure pas moins passionnant. Solidement documenté, débordant de détails et d'anecdotes, il se lit comme un roman d'aventures dont les héros seraient toutes celles et tous ceux qui, dieux ou rois, simples ouvriers ou scientifiques à qui l'on ne donnait pas encore ce nom, ont contribué tout d'abord à façonner les grandes civilisations de l'Antiquité puis à les faire redécouvrir par notre époque moderne.
Le premier chapitre est consacré à la Grèce antique et notamment à Heinrich Schliemann et à sa découverte des ruines de Troie dans la seconde moitié du XIXème. L'Américain Arthur Evans, qui découvrit quant à lui les ruines de Cnossos et le palais du légendaire Minos, y apparaît aussi en bonne place.
Puis nous passons à l'Egypte ancienne qui, selon l'auteur, ne commença pleinement à revivre qu'à l'arrivée de Bonaparte et de ses troupes. Dans son sillage, le général républicain amenait une équipe de savants, parmi lesquels Dominique-Vivant Denon, directeur général des musées français de l'époque.
"... Le voici dans les hiéroglyphes," nous dit Ceram. "Il n'y entend rien, et personne autour de lui pour apaiser sa soif de science ! Cependant il copie, à tout hasard. Bien qu'il soit un profane, son oeil exercé distingue aussitôt trois sortes de caractère (plats, en demi-relief, en creux), qu'il attribue, à juste titre, à des époques différentes. A Saqqarah, il dessine la pyramide à degrés, à Denderah, les ruines colossales de la dernière période. ... (...) ... Ses dessins furent pour les savants une mine inépuisable. ..."
Deuxième grand nom dans cette redécouverte de l'Egypte : Champollion, dont Ceram nous conte la quête fiévreuse de ce véritable Graal qu'est pour lui la signification des hiéroglyphes. Le linguiste français ouvre ainsi tout grand la porte qui mène à la compréhension de la fascinante civilisation que Denon avait tenté de restituer par son crayon et ses pinceaux.
Sous la plume de Ceram, l'Italien Belzoni, les Allemands Brugshs et Von Humboltd, Auguste Mariette, qui repose en terre égyptienne, Gaston Maspero, l'anglais Flinders Petrie qui mettra sur les rails des fouilles archéologiques un jeune homme nommé Howard Carter, Carter lui-même et son mécène, lord Carnavon ... tous ressuscitent au rythme des tombeaux et des temples qu'ils ramenèrent peu à peu à la lumière, ornés de cartouches royaux désormais unaniment connus : Séthi Ier, Amenemhat III, Thoutmosis III, Amenophis II, Amenophis III, Amenophis IV, Nefertiti, Smenkhêrê, Toutankhamon, Horemheb, Ramsès II dit "le Grand" ... et bien d'autres merveilles encore.
Ceram évoque ensuite - et c'est tout aussi passionnant - les début de l'assyriologie, initiée par le Français, Paul-Emile Botta. Alors qu'il avait été nommé agent consulaire à Mossoul - une ville de l'actuel Irak - il entreprit des recherches qui devaient le conduire à découvrir les ruines de Ninive. L'auteur nous donne au passage le nom et le parcours de celui qui finit par déchiffrer l'écriture cunéiforme, l'Allemand Georg Grotefend - et cela aussi, c'est aussi passionnant qu'une chasse au trésor !
Après Ninive et l'Assyrie, on en arrive à Babylone et là, nous ne sommes plus loin de Sumer, berceau de notre monde actuel et civilisation antérieure même à l'antique civilisation égyptienne.
Avec un courage qu'il faut saluer, compte tenu de la date de parution de son livre, Ceram n'hésite pas à affirmer que les légendes contées dans la Bible se fondent sur des faits bien réels qui se sont déroulés bien avant la naissance d'Abraham. En d'autres termes, il y avait une vie avant la Bible et, contrairement à ce que tentent d'affirmer certains aujourd'hui, l'écriture, pas plus que le premier code moral, ne furent créés par le peuple hébreux. Le fameux code d'Hammourabi, qui date de Sumer, offre d'ailleurs cette supériorité incontestable sur les Dix commandemants jéhoviens qu'il s'applique à tout citoyen, indépendamment des croyances religieuses de celui-ci. Sumer, laïc avant la lettre ? Quelle leçon en tous cas pour nos pauvres petits gouvernants mondiaux actuels !
Les civilisations pré-colombiennes ne sont pas oubliées puisqu'elles forment le dernier chapitre de l'ouvrage. Un chapitre moins épais que les précédents mais, en 1949, on ignorait encore beaucoup de choses sur les peuples toltèques, olmèques, mayas, incas et aztèques - et j'ai oublié les Chichimèques et quelques autres. Au début de notre XXIème siècle, ils demeurent encore plus énigmatiques, par bien des côtés, que ne nous paraissent désormais les anciens Egyptiens.
Si tout cela vous tente, n'hésitez pas et précipitez-vous sur "Des Dieux, des Tombeaux, des Savants" de C.W. Ceram. (Vous le trouverez sans doute chez les bouquinistes.) Vous ne le regretterez pas : on ne lit pas ce livre, on le vit ! Le critique : Woland Note : Liens relatifs : Amazon.fr Hits : 4391
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