Critique publiée par Woland le 29-08-2005
Il est troublant de constater que Toutankhamon, contrairement à la tradition séculaire pharaonique, n'a pratiquement rien fait pour restaurer le nom de son père, Aménophis IV - dont on n'a d'ailleurs pas encore retrouvé la momie, soit que celle-ci ait été détruite par les adversaires du pharaon déchu, soit que quelques fidèles l'aient cachée avec tant de soins que pillards comme archéologues ont ignoré le lieu où elle repose.
Pourtant, Toutankhamon, qui mourut à dix-huit ans - la très récente découverte d'un trou dans la tempe de sa dépouille terrestre soulève nombre de questions sur les causes de cette mort précoce - est partout désigné comme "celui qui passa sa vie à rétablir les images des dieux", ces dieux multiples de l'Egypte antique auxquels son père avait, dans les dernières années de son règne, livré la guerre féroce des fanatiques religieux.
Le Pharaon étant considéré comme un dieu, n'aurait-il pas été normal que Toutankhamon rendît par la suite hommage aux mânes de son prédécesseur, Aménophis IV ? On peut donc s'étonner de ne jamais le découvrir, sur un bas-relief ou sur telle ou telle scène peinte sur les innombrables trésors de son tombeau, debout face à la silhouette osiriaque du pharaon décédé et lui offrant un sacrifice ...
Monté très jeune sur le trône d'Egypte (vers ses 11-12 ans), Toutankhamon, qui s'appelait alors Toutankhaton, avait épousé Ankhsepaton, sa demi-soeur, elle-même fille d'Aménophis IV et de Néfertiti - et par ailleurs épouse auxiliaire de son propre père. Sur eux, veillait "le divin Père Aÿ", dont on suppose qu'il avait épousé la nourrice et gouvernante de la reine Nefertiti et qui, après la disparition de cette dernière (sa momie non plus n'a jamais été retrouvée et on ne sait pas dans quelles conditions elle est morte) et celle d'Aménophis IV, rassembla les rênes du pouvoir effectif aux côtés d'un militaire appelé à faire parler de lui, le général Horemheb.
C'est d'ailleurs Aÿ qui succédera à Toutankhamon et qui, bien entendu, comme il était d'usage, légitimera sa prise de pouvoir en épousant la veuve du Pharaon. Avant Horemheb, c'est Aÿ encore qui usurpera les inscriptions mentionnant sur les temples des anciens dieux que Toutankhamon les avait "rétablis" dans leur culte et leur puissance.
Puis le général Horemheb montera à son tour sur le trône des Deux-Terres et, pour des raisons mal définies, s'acharnera à détruire toutes les inscriptions relatives au règne, pourtant très bref, de Toutankhamon, dernier survivant mâle des Aménophis et peut-être seul rejeton de sexe masculin de l'"Hérétique."
Mais l'Histoire sait attendre : à la mi-novembre 1922, Howard Carter et lord Carnavon pénétraient dans la chambre funéraire du petit pharaon oublié. Or, l'antique tradition égyptienne voulait que répéter le nom d'un mort, c'était le faire vivre éternellement. A ce compte-là et malgré la haine qui a si longuement accompagné sa mémoire, Toutankhamon, à ce jour le seul pharaon dont on ait retrouvé la momie et le tombeau intacts (ou presque), a enfin obtenu l'Eternité qui lui était promise.
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