Critique publiée par Woland le 29-08-2005
Pour l'Histoire, Ramsès II demeure "Ramsès le Grand", héritier de Séthi Ier et petit-fils de Ramsès Ier, l'homme à qui Horemheb laissa le pouvoir des Pharaons de la XVIIIème Dynastie. Et, tout comme elle compare Thoumosis III à Napoléon Ier, elle voit en Ramsès II l'équivalent égyptien de notre Roi-Soleil.
C'est dire que, de Ramsès II, on retiendra surtout qu'il souffrait d'un ego démentiel et que, s'il fut puissant, il passe aussi pour le plus grand usurpateur d'inscriptions et de monuments de toute l'Egypte antique.
Pour le rendre un peu plus humain, ajoutons qu'il est né vers 1314 av. J.C. et que, dès ses dix ans, il accompagnait son père à la guerre. A seize ans, il avait déjà quatre épouses dont la fameuse Norfétari qui figure aux pieds de son époux sur l'éblouissante façade du temple d'Abou-Simbel, ce haut lieu du culte solaire égyptien. De ses innombrables femmes et concubines, il eut ... cent-soixante-deux enfants (rappelons tout de même que Ramsès II vécut jusqu'à 90 ans, âge exemplaire pour l'époque) et, comme Louis XIV bien plus tard et dans des proportions moins spectaculaires, il vit mourir avant lui nombre de ses descendants. A tel point que c'est son treizième fils, Méremptah, issu d'une Seconde épouse, qui lui succédera à l'âge déjà avancé de cinquante ans.
Ramsès II, c'est aussi le héros de la bataille de Qaddesh contre les armées hittites et c'est aussi, et c'est surtout, le meilleur des candidats pour le rôle de l'affreux monarque qui s'en prend aux Hébreux bibliques.
Mais lorsqu'on considère les livres dits "sacrés" - et les livres des trois grandes religions monothéistes en particulier, avec la Bible au premier rang - il faut toujours demeurer très méfiant : les fanatiques religieux ont toujours tendance à déformer les faits ...
Pour l'archéologue américain G. E. Wright, "les Israélites ont dû séjourner en Egypte au moins pendant le début du règne de Ramsès II, dans la mesure évidemment où l'on peut accorder une valeur historique aux deux villes-entrepôts mentionnés dans l'Exode."
En ce qui concerne cette personnalité hors du commun que fut Moïse, laissons la parole - comme Vandenberg le fait - à Sigmund Freud qui, en sa qualité de fondateur de la psychanalyse, n'a pas pu ne pas s'intéresser aux origines d'un personnage tellement obsédé par l'image du Père qu'il en fit le plus jaloux et le plus colérique des dieux :
" ... L'interprétation du mythe de Moïse sauvé des eaux oblige à conclure que Moïse était un Egyptien transformé en Juif par la nécessité d'un peuple. (...)
Il n'est pas facile de deviner ce qui a bien pu inciter un Egyptien distingué - prince, prêtre ou grand-prêtre peut-être - à se placer à la tête d'une poignée d'immigrés, arriérés sur le plan culturel, pour quitter le pays avec eux. Le mépris bien connu de l'Egyptien pour une nation étrangère rend un tel processus invraisemblable. Oui, j'aimerais croire que c'est pour cette raison que les historiens eux-mêmes, après avoir identifié l'origine égyptienne de ce nom et avoir accordé à l'homme toute la sagesse de l'Egypte, ne veulent pas admettre que Moïse était égyptien - ce qui paraît pourtant évident. (...)"
Le nom "Moïse" en effet n'est pas d'origine israélite mais provient du terme égyptien "mose" qui signifie ... "né de, fils de" et que l'on retrouve, sous une forme hellénisé, dans des noms comme "Amosis," "Touthmosis" et même "Ramosé."
D'autre part, Vandenberg rappelle que la circoncision - qui survit aujourd'hui dans les religions judaïque et musulmane - était inconnue des Sémites, des Babyloniens et des Sumériens.
"Certaines scènes funéraires", précise-t-il, "et les examens des momies, comme le témoignage d'Hérodote confirment l'origine égyptienne de ce rituel. (...) (Dans son traité "Moïse et la religion monothéiste"), Freud se demanda quel sens accorder au fait que Moïse ait imposé aux Israélites une coutume pénible et qui, dans une certaine mesure, les identifiait aux Egyptiens et devait maintenir dans leur esprit le souvenir de ce pays, alors que tous ses efforts ne pouvaient être dirigés que vers un objectif opposé. Si Moïse ne se contenta pas de donner aux Juifs une nouvelle religion mais leur imposa aussi l'obligation de la circoncision, c'est que lui-même n'était pas un Juif mais un Egyptien. (...)"
Une fois de plus, on rappellera que, contrairement à ce que tendent à répandre dans l'opinion certaines personnes, la révolution monothéiste égyptienne est largement antérieure à la création du Jéhovah hébraïque. Aménophis IV, qui en porte la responsabilité aux yeux de l'Histoire, ce que personne ne conteste, régna entre 1364 et 1345 av. J.C. alors que Ramsès II n'accéda au trône qu'en 1290 av. J.C. La mauvaise foi fanatique de ceux qui, tout en posant comme incontestable l'esclavage que Ramsès II aurait imposé aux Hébreux, affirment bien haut que le monothéisme amarnien est postérieur à la naissance de Moïse est donc prouvée par les faits historiques.
Le monothéisme est venu d'Asie par le biais vraisemblable des Hittites, peuplade à laquelle étaient liées Tiyi et Néfertiti. Il reçut une claque formidable en Egypte sous Akhénaton et ce ne fut qu'un demi-siècle plus tard, plus ou moins, que le Moyen-Orient finit par le récupérer par l'intermédiaire de Moïse, un Egyptien selon toutes probabilités et qui, en tant que tel, avait certainement entendu parler des méfaits de l'"Hérétique."
On soulignera d'autre part le fait suivant : Aton, le dieu qu'adorait Aménophis IV et qu'il tenta d'imposer à l'ensemble de son peuple, n'est qu'un disque solaire dont les rayons se terminent, il est vrai, par des mains humaines. C'est là sa seule apparence qui, contrairement aux représentations souvent anthropomorphes des dieux égyptiens classiques, se dégage de la matière pour atteindre une abstraction quasi parfaite. Or, le Jéhovah judaïque comme son descendant, l'Allah musulman, ne tolèrent pas la représentation figurative. Le dieu chrétien lui-même passe en principe par le corps du Christ pour "se faire chair ..."
Bref, de "Néfertiti" à "Ramsès II", les biographies de Vandenberg, que l'on trouve réunies chez Omnibus en un gros volume de près de 900 pages - passionnent au plus haut point l'amateur d'histoire antique. D'autant qu'elles sont rédigées en un style simple qui ne prend jamais le lecteur de haut. Si l'Egypte des Pharaons vous intéresse, lisez-les sans plus attendre. Le critique : Woland Note : Liens relatifs : Amazon.fr Hits : 4092
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