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    CRITIQUE LITTÉRAIRE
    Sexus de Henry Miller




    Critique publiée par Woland le 14-11-2005

    Plus construit - du moins est-ce l'impression que j'en ai retirée - que les deux "Tropique", "Sexus" est le premier volume de la "Crucifixion en Rose." C'est aussi une ode à Mara-Mona, c'est-à-dire à June, la seconde épouse de l'auteur, celle qu'il célèbrera d'ailleurs maintes fois dans son oeuvre.

    Le premier chapitre s'ouvre d'ailleurs dans le dancing où, la veille même, le narrateur vient de rencontrer une hôtesse qui vend ses danses et sa compagnie aux hommes seuls.

    A partir de là, Miller entraîne son lecteur dans une ronde de personnages dont il nous a déjà fait admirer certains specimens. Je ne citerai qu'un nom - qui se passe de tout commentaire : l'ineffable Kronski.

    Mais Sexus, c'est surtout l'occasion pour Miller de peaufiner son personnage hyper-viril, capable de contenter toutes les femmes - ou presque. Qu'il soit avec Mara, laquelle, à un certain moment, demande "humblement" à Kronski si "elle est vraiment digne de Henry" (!!!), ne l'empêche pas de forniquer à droite et à gauche, et même avec son épouse légitime alors que tous deux ont pourtant entamé leur procédure de divorce. Le lecteur note tout de suite que c'est pratiquement Maude qui le lui demande.

    Je crois à l'auteur américain beaucoup trop d'intelligence et de subtilité pour ne pas avoir brossé en vain de lui-même un portrait aussi peu flatteur. Parce qu'il s'attèle en profondeur au récit de sa vie - le fait qu'il enjolive nombre de détails ou les arrange en une perspective plus théâtrale n'enlève rien à cette profondeur - Miller sait qu'il ne peut plus reculer : cette fois-ci, il ne pourra pas se contenter d'effleurer le Miller gigolo, le Miller macho, le Miller lâche et fuyant qu'il fut aussi. Par conséquent, avec une habileté joviale et un talent qu'on ne saurait lui contester, l'écrivain dévoile alors tout ce qui, en lui, choque et scandalise comme jamais n'y sera parvenu le langage crû qu'il affectionne.

    Le plus extraordinaire, c'est que, tout au long de ces 670 pages (en édition de poche), on ne songe pas un seul instant à planter là Henry, son sexe, ses blenmorragies, ses femmes, ses arnaques à l'argent, ses chantages aux sentiments, ses cuites et les invraisemblables amis qu'il traîne dans son sillage. Parfois, c'est vrai, on s'arrête, on s'interroge : voyons, ce funambule exhibitionniste qui, complètement saoul, nous fait des pieds-de-nez tout là-haut, sur cette corde qui a le tranchant d'une lame de rasoir, c'est vraiment le grand Henry Miller ? Incroyable ! Malgré tout ce qu'on savait déjà sur sa frénésie sexuelle, sur ses complications sentimentales et sur la vie d'homme entretenu qu'il mena par exemple auprès d'Anaïs Nin, on n'aurait jamais cru ça de lui ...

    Et pourtant, malgré tout, on lui conserve une petite place tout au fond de notre coeur. Nul n'est parfait, se dit-on et au moins ne pourra-t-on taxer d'hypocrisie cet écrivain qui s'acharne à se peindre sous de telles couleurs.

    Ultime clin d'oeil adressé au lecteur par le texte lui-même : l'anecdote que Miller rapporte sur Knut Hansum, l'un des auteurs qu'il aimait. Je vous laisse la découvrir, elle resssemble à la part d'ombre de Miller : agaçante, pitoyable, rusée, arrogante et cependant si naïve qu'on ne peut s'empêcher de sourire ainsi qu'on le ferait devant les frasques d'un gamin mal élevé mais brillant.


    Le critique : Woland
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