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    CRITIQUE LITTÉRAIRE
    Nouvelles Fantastiques - Montagu R. Jame




    Critique publiée par Woland le 10-01-2006

    A l'occasion des fêtes - je sais, j'ai des goûts bizarres - j'ai relu toutes les nouvelles de M. R. James que j'ai récoltées au gré des volumes d'anthologie.

    La première, celle qui devait faire de moi une inconditionnelle de ce très grand mais tout aussi méconnu auteur fantastique, s'intitule "Le document secret." Je l'ai découverte quand j'avais 14/15 ans, dans les "Histoires abominables" présentées par Alfred Hitchcock (Livre de Poche) et c'est probablement la nouvelle de James la plus reproduite dans les anthologies françaises avec son "Comte Magnus."

    L'argument (assez vengeur chez un écrivain) en est le suivant : suite au refus essuyé par son rapport "La Vérité de l'Alchimie" dont il aurait aimé faire la communication devant les membres d'une très savante et très sérieuse association, le mystérieux Mr Karswell cherche à s'enquérir de l'identité du "lecteur" qui a déclaré son manuscrit indigne de toute communication. Bien entendu, l'association en cause refuse de la lui confier. Mais Mr Karswell est opiniâtre et rancunier. Et c'est le début du cauchemar pour le paisible Mr Dunning qui se rendra compte que, si Mr Karswell était un très mauvais rapporteur, il n'en était pas moins un redoutable initié à la magie noire ...

    C'est de cette nouvelle, particulièrement efficace mais qui trouve tout de même une heureuse conclusion, que s'inspira Jacques Tourneur pour "Rendez-vous avec la Peur".

    Avec "Le comte Magnus", l'atmosphère s'avère tout aussi étouffante. Un gentleman anglais, Wraxhall, désireux de faire de conter ses souvenirs de voyage en Europe du Nord, prend diverses notes qui, par une astuce de l'auteur que je ne dévoilerai pas, finissent par atterrir entre les mains du narrateur, lequel nous détaille toute l'histoire quarante ans après les événements.

    Au cours d'un séjour dans la ville de Rabäck, dans le Jutland, Wraxall séjourne chez les La Gardie, vieille famille suédoise dont le fondateur était un terrible bonhomme, le comte Magnus, personnage cruel, cordialement détesté de ses paysans (et des autres) et soupçonné de son vivant d'avoir effectué on ne sait trop où le "Pélerinage Noir" dont il aurait d'ailleurs rapporté quelque chose ou quelqu'un.

    Fasciné par l'histoire du comte, Wraxall se fait montrer le caveau familial où le sarcophage dans lequel repose le comte Magnus est clos par trois serrures. C'est ici qu'intervient pour son malheur l'innocente manie qu'a le héros de parler tout seul : il s'adresse au comte, l'assure une première fois du désir qu'il aurait eu de faire sa connaissance. Wraxall juge lui-même sa manie puérile et se gausse de lui-même dans son journal tout en notant un fait curieux : alors qu'il quittait le caveau, il avait entendu un bruit métallique et constaté que l'un des cadenas fermant le sarcophage était tombé à terre.

    Deux fois encore, Wraxall retournera dans le caveau. Deux fois encore, un démon le poussera à parler à ce défunt qu'il admire bien inconsidérément. Mais, la dernière fois, le pauvre homme s'enfuira sans demander son reste car, après avoir entendu le troisième cadenas résonner sur les dalles, il avait cru voir le couvercle se soulever ...

    La fin se devine mais il faut lire la nouvelle et s'incliner devant l'art de M. R. James, pour lequel Edmond Jaloux, dans sa préface aux "Histoires de fantômes anglais" chez Gallimard, manifestait déjà toute son admiration.

    Troisième et dernière nouvelle à lire absolument : "La chambre n° 13." Ici, nous sommes au Danemark, dans une auberge où, selon la coutume en vigueur dans certains pays du Nord, il n'existe pas de chambre portant le numéro fatidique. Le narrateur se voit d'ailleurs offrir la chambre 12, vaste pièce qui satisfait son goût du confort. Pourquoi faut-il donc que, la nuit venue et les lumières éteintes, cette chambre lui paraisse soudain avoir diminué de moitié ? Illusion ou réalité ? Et qui est cet étrange voisin qu'il entend danser et chanter tard dans la nuit au point qu'il s'étonne que l'aubergiste ne monte pas le prier de cesser son tapage? Tout d'abord, il s'imagine qu'il s'agit du voyageur du 14, un avocat allemand. Jusqu'au soir où celui-ci débarque au numéro 12, sûr et certain pour sa part d'avoir trouvé l'auteur du vacarme qui l'empêche lui aussi de dormir ...

    De menu détail en suggestion subtile, cette nouvelle (peut-être la plus achevée des trois parce qu'elle est celle qui en dit le moins et en sous-entend le plus), frôle la perfection que recherche tout conteur, fantastique ou pas.

    Mais quelle que soit celle que vous élirez en premier, n'oubliez pas qu'aucune d'elle n'est à lire trop tard le soir.


    Le critique : Woland
    Note :
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